2 avr. 2011

Mon Photo-Reportage pour le concours Paris Match 2011


La Turquie loin des villes

A l'automne 2010, je décide de rejoindre l'Iran depuis la France à vélo. Cette aventure m’amènera à traverser les campagnes turques pendant 3 mois et en ressortir ébloui par la personnalité des gens et la beauté de la route.
Le voyage à vélo est une sorte de vagabondage en autonomie totale durant lequel on se laisse porter par les rencontres et par la simplicité de la vie loin des villes. En Turquie, pays de contrastes, entre modernité surprenante et passé chargé de tradition, voyager de village en village m'ouvre les portes d'un autre monde. D'ailleurs, le capital sympathie suscité par un cyclotouriste me permettra de passer de très nombreuses soirées en compagnie de Turcs et de Kurdes et de côtoyer leur diversité.
Comme 75% de la population turque est urbaine, les campagnes sont peu habitées, ce qui leur permet de conserver une authenticité touchante en plus de gigantesques étendues sauvages !
Il faut ajouter aux rencontres les dimensions Nature et Culture de la Turquie, qui par sa taille, comme par sa situation entre deux mondes, et par son histoire, offre une variété incroyable de paysages, de monuments et de connaissances.
Mais cette aventure constitue aussi un combat contre les éléments : les pluies d'octobre dans le nord-ouest pendant lesquelles je reste trempé jusqu'aux os, le froid sibérien de l'est kurde où je dors dehors, sous ma tente, par -25C°, et encore les cols sans fin que je dois franchir avec les 50 kilos de ma maison sur roue... Mais le spectacle et la sensation de vaincre l'impossible sont de taille.
J'espère revenir maintenant avec une petite histoire des campagnes turques que j'ai immortalisées avec ma sensibilité envers ce monde que j'ai appris à connaître et à aimer.

L'automne approche


Cette route non loin de Senirkent, au nord d'Isparta, donne une idée des étendues sauvages des hauts-plateaux du centre de la Turquie. Les parcourir seul à vélo est un plongeon dans la nature et ses couleurs. Les axes secondaires comme celui-ci sont très peu empruntés et parfois on peut approcher une vraie sensation d'isolement avec la nature. C'est cela qui me pousse à voyager.

Les Tisseuses de Yalakdere


Au nord du lac Iznik, en traversant un petit village, j'aperçois au travers d'une fenêtre plusieurs femmes s'affairant sur des métiers à tisser. Ma curiosité qui me pousse à sonner à la porte fut récompensée par un accueil chaleureux. Ici, on tisse de la même façon qu'il y a 200 ans les tapis de soie. Les femmes travaillent à deux ou toutes seules sur des tapis qui représentent jusqu'à 2 ans de travail et sont vendu par les hommes du village jusqu'à 10.000 euros.

Aysun Erdogan

En partageant leur intimité dans la petite salle de tissage, je sympathise avec Aysun qui m'explique les gestes et me fait même essayer quelques points. Après le nœud de soie sur les fils directeurs, et une fois la rangée complétée, les points sont tassés à l'aide d'un rabot puis les fils sont coupés à ras. Ici, les femmes sont entre elles et je ressens une ambiance clairement plus détendue et prête à rire que lorsque les maris sont là. Dans les campagnes, encore très traditionnelles, les hommes ont encore un rôle de chef de famille.

Acigöl


L'avantage du vélo et des petites routes est aussi de tomber sur des surprises incroyables qui ne figurent dans aucun guide. En longeant ce lac, je m’interrogeais sur sa surface d'huile et ses reflets étranges. Ce n'est qu'en m'approchant plus près que je me rends compte qu'il s'agit d'un lac salé. Il est impossible de décrire l’excitation que je ressents en plantant ma tente au beau milieu de cette étendue sans fin pour une nuit littéralement loin de tout.

Ramazan et le thé


Impossible de raconter les campagnes turques sans parler de la tradition du thé. Il est tout à fait courant de se faire inviter 5 ou 6 fois par jour à boire le thé... si ce n'est plus. Les gens me hélaient à mon passage aux cris de "çaï" pour que je m'arrête et leur fasse un peu part de mon expérience. La vie rurale tourne littéralement autour des Çay bahçesi (Jardins de thé) où l'on se rencontre et joue aux cartes, où l'on s'occupe pendant la journée des personnes âgées, et où l'on vient aux nouvelles.
Non loin de Dursunbey, Ramazan m'arrête et m'offre thé et petit biscuit et accepte de se faire photographier après que je lui aie raconté un peu mon aventure.

Les sources de Pamukkale


L'un des sites les plus connus dans le centre de la Turquie est la source thermale de Pamukkale, "Chateau de Coton" en turc. Au milieu de montagnes arides et rouges, ces coussins de calcaire formant un dédale de piscines d'eau chaude sont un spectacle inouï. Les Grecs avaient d'ailleurs été séduits bien avant nous et au sommet des sources s'élèvent encore les ruines de la cité de Hiérapolis. Mélange étonnant. Cependant, étant habitué au calme et aux petit villages, l'exploitation touristique me gâche en partie la beauté et la magie du paysage.

Le calme des forêts


Contrairement à l'idée que l'on se fait de la Turquie, il est possible de traverser de gigantesques forêts pendant parfois plus de 250 km. Il est alors très facile de planter sa tente dans une zone totalement isolée et de faire l'expérience du calme absolu pendant quelques jours. Bien sûr la logistique des réserves d'eau et de nourriture doit être pensée un peu en avance.

Samim Chakal


Je n'aurais jamais imaginé vivre une telle expérience en traversant le petit village de Baltaköy. En plus de m'inviter à prendre le thé, Samin Chacal me propose de planter ma tente dans son jardin et de partager son quotidien. Je m'immisce ainsi dans la vie des quelques habitants de Baltaköy. Entre les parties de cartes au Çay bahçesi, le pâturage des troupeaux, les dîners avec les familles du village ou la cueillette des oranges, sans oublier les régulières prières à la mosquée, ma fascination pour ces gens simples ne fait que croître. Heureusement, les quelques soirées de solitude passées sur des listes de vocabulaire turc facilitent les échanges.
Samim est coiffeur-barbier et passe ses journées à siroter le thé en attendant que des hommes du village l'appellent sur son téléphone portable à n'importe quelle heure pour demander ses services.

Le grand froid

A l'est de la Turquie, près de l'Arménie et de l'Iran, il n'est pas rare d'avoir à franchir des cols autour de 3 000 m. Bien évidemment, les routes et les grandes étendues sont recouvertes de plusieurs mètres de neige pendant au moins 3 mois de l'année. Il me faut alors affronter toutes les difficultés liées au froid et à la neige. Il fait environ -25 C° quand je dors sous tente et certaines routes ne sont même pas déblayées. En plus de ce nouvel environnement, me voilà maintenant en zone Kurde, une nouvelle culture à découvrir et des gens tout aussi passionnants et chaleureux malgré les tensions clairement palpables avec l'armée turque.

En longeant le mont Ararat


C'est ce genre de paysage qui m'offre mes plus grandes récompenses. Lorsque je me retrouve face à ces montagnes, toutes les peines, le froid et le vent sont oubliés instantanément. Un peu plus loin sur ma route, je longerai le mont Ararat, qui me verra passer la frontière avec l'Iran du haut de ses 5 137 m. La Turquie fut une aventure inoubliable et je me promets de revenir arpenter ses routes de campagne encore et encore.


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En espérant que ce reportage synthétisant ma traversée turque vous plait et que vous voterez pour moi lors de la phase de vote pour le Grand prix du public !

3 commentaires:

C. a dit…

Superbe. Une voie de plus dans ton camp.

KenzaB a dit…

ca fait rêver tout ca... embarquez moi avec vous!:) une personne qui parle arabe, ca sert toujours!

Anonyme a dit…

Je vous amis