4 mars 2010

Carretera Australe (18 au 28 février)

Après avoir passé 8-9 jours autour d'El Chalten à randonner et faire les fous sur les montagnes, glaciers et lacs du massif du Fitz Roy, nous voilà partis pour 8 jours d'itinérance sur la Carretera Australe. Avec pour seul objectif de rejoindre Esquel, nous voilà partis pour un périple extraordinaire le long de cette route ouverte il y a moins de 30 ans, qui remonte un Chili encore sauvage où le mot voyage prend tout son sens.

Durant cette semaine, le voyage nous a en effet offert tout ce qu'il a de mieux: aventure, découverte, étonnement, rencontre et partage.
Pour la première fois, je me suis senti réellement en voyage et emporté par la magie de l'itinérance. Chaque jour se suffisant à lui-même avec sa dose de surprise, d'émerveillement ou d'inconnu. Un voyage hors des sentiers battus où, pour une fois, on ne se sentait pas complètement moutons, à faire, à notre sauce certes, ce que tout le monde avait déjà fait. Il y avait là la touche d'authenticité et de naturel qui manquait un peu avant. Et ca change tout!


Aventure
Chaque jour, nous avons effectué un tronçon de route dans des minibus 10 places transformés en 15. A chaque tronçon, un nouveau chauffeur super sympa avec qui on pouvait bavarder tranquillement, admirer le paysage qui se déroulait devant nos yeux et faire des pause photos à notre guise.
Aventure parce qu'à chaque fois il a fallu chercher dans toutes la ville ce fameux minibus, l'attendre longuement, parfois négocier les tarifs ou attendre qu'il soit plein pour partir, puis taper 4 à 7h de routes défoncées et poussiéreuses.
Je retiens également:
-3h à chercher un bus dans ChileChico pour finalement partir un dimanche avec le même chauffeur qui, la veille, nous avertissait qu'aucun bus ne circulait le dimanche
-L'arrivée à Futaleufu à minuit après 5h d'attente et 7h de bus.
-Le stop 4*4. 4 gros sacs et 4 personnes entassés sur la banquette arrière d'une voiture louée par des allemands
-La baignade dans les eaux gelées du glacier Ventisquero à 19h. Encore un pari à la con.
-La ballade autour de Futaleufu. Partis pour 3 petites heures de marche, nous ne sommes toujours pas arrivés après 16 km de rando et pensons rater notre bus pour Esquel. Par chance, on croise un pick-up arrêté pour charger du bois. On l'aide et en récompense, on fait les 16 km restant à l'arrière.


Découverte
Toute la route australe est splendide. Sans doute une des régions les plus belles et les plus riches que j'ai eu l'occasion de voir. Tout au long de notre remontée, nous avons découvert différents paysages à couper le souffle: des montagnes arides surplombant l'immense lac General Carerra à ChileChico au contrefort du Campo de Hielo Nord, et du Cerro Valentino, plus haut sommet patagon à 4052m, à puerto Bertrand en passant par les grottes sculptées par l'eau de Puerto Tranquilo. Des forêts aux arbres géants ouvertes sur de larges cours d'eau, où on imaginerait bien un grizzli canadien pêcher le saumon, aux grandes plaines dominées par le Cerro Castillo au dessus de Puerto Ibanez en passant par la forêt presque amazonienne du parc Queulat, avec le glacier Ventisquero sortant de nulle part juste au dessus. Du fjord de Puerto Puyuhuapi aux rapides impressionnants de Futaleufu... Et j'en passe!
Le tout sous un grand ciel bleu dans un pays où il est censé pleuvoir 5000 mm par an. Au top.
Au chapitre découverte, je rajouterai:
-La pêche, que nous avons longuement et en de multiples endroits essayée, en vain. Savoir pêcher, c'est d'abord savoir où pêcher!
-Bien cuisiner, ce n'est pas si compliqué. Deux jours de pétage de bide à ChileChico avec un couple de basques nous a appris à cuisiner simple, bon et bourratif. Parfait.
-Les nombreux cyclistes qui parcourent et descendent cette route à la force des mollets. Ça donne bien envie d'en faire autant.
-La région de Futaleufu encore complétement recouverte de cendres datant de l'irruption du Chaiten il y deux ans. Et d'une manière générale la supériorité de la nature dans cette région et le profond respect que ses habitants lui accordent pour vivre en harmonie avec elle.


Étonnement
Au chapitre étonnement, je commencerai par toute cette route australe. Chaque jour était inattendu et inespéré.
Dans les plus belles surprises, même si ça casse un peu le mythe du voyageur perdu au milieu de nulle part, il y a le fait d'avoir eu du Wifi gratuit sur les places de Coyaique et de Puerto Puyuhuapi. Belle surprise, car elle nous a permis de téléphoner entre autre à nos chers Papa et Maman respectifs en regardant le lever de soleil sur le fjord de Puyuhuapi. Quelle classe!
D'une manière générale, les petit villages que nous avons traversés sont très bien équipés: wifi, salle de sport couverte, musée, salle commune, centre d'informations, tri des déchets... Se sont des petit villages communautaires qui se sont batis petit à petit à mesure que les colons arrivaient. Puerto Puyuhapi a ainsi été fondé par 4 allemands dans les années 30 et compte aujourd'hui plus de 500 habitants.


Rencontres
Les rencontres sont souvent ce que l'on retient le plus d'un voyage. Sur cette route australe, les plus marquantes ont été celles avec nos chauffeurs de bus.
Entre ChileChico et Puerto Tranquilo, notre chauffeur avait accepté de travailler un dimanche presque juste pour nous. Paysages merveilleux, multiples pauses photos et blagues locales donne au trajet une ambiance typique très appréciable. Une fois arrivés, nousrecroisons notre chauffeur et l'invitons à boire bière sur bière jusqu'à point d'heure dans le seul bar ouvert après minuit, bar de routier bien évidemment. Belle soirée passée à comparer nos modes de vies, partager nos rêves respectifs d'Argentine sauvage pour les uns et de France sur-développée pour l'autre, et bien rigoler.
Notre deuxième chauffeur, entre Puerto Tranquilo et Coyaique passera la moitié du trajet à nous conter avec force et conviction l'histoire de sa région et à nous tenir un discours défendant sa terre teinté d'écologisme convaincu, d'anticolonialisme, de critique du système politique et d'abus du tourisme de masse. Poignant.
Notre troisième chauffeur, entre Coyaique et Queulat nous racontera un bout de sa vie pendant que nous étions confortablement assis en copilote. Après 2h d'attente pour changer de bus et en prendre un qui roule, nous faisons des pauses photos à la demande ou nous arrêtons jouer avec la végétation. Le dernier chauffeur, moins bavard, enchainera 12h de conduite presque sans pauses pour arriver à minuit passé à Futaleufu.

Au chapitre des non rencontres, celles avec les multiples israéliens croisés en chemin. Ils voyagent en meute sans effort pour s'intégrer ou squattent bruyamment les camping sans payer. Nous avons du mal, malgré nos efforts pour voir des individus avant des israéliens, difficile de ne pas généraliser et de voir dans ce tempérament fermé, hautain et irrespectueux, une des causes du conflit actuel. Inutile de dire de quel côté nos cœurs penchent.



Partage
Nous avons eu le plaisir de partager cette semaine avec un couple de basques pur sang, et à partir de Coyaique, avec une Québécoise. D'habitude pas trop enclins à voyager à plusieurs car souvent trop contraignant, cela a été dans ce cas précis très sympa.
A ChileChico, nous avons passé 2 jours dans une petite maison tout équipée rien que pour nous. Deux jours à s'essayer à la pêche, très bien manger et refaire le monde en échangeant nos visions du voyage, du Chili, du travail ou de l'écologie. Des échanges très intéressants et enrichissants.
Ce couple de basques trouve son équilibre dans une vie simple, traditionnelle et en travaillant en intérim dans le bâtiment et le jardinage. Cela offre liberté de travailler quand on veut, avec qui l'on veut et dans ce que l'on veut. A première vue, plutôt sympa.
Gros débat aussi sur l'intérêt de la science et de l'intelligence humaine. Être intelligent, est-ce essayer de comprendre en vain tout ce qui nous entoure ou au contraire savoir se suffir et profiter de ce qui nous entoure? En somme, débat « philosophique » sur l'importance que l'on donne à l'intellect, l'homme est supérieur par son intelligence qui lui donne le droit d'exercer son pouvoir sur les choses, dont bien sûr la nature, ou à la perception, l'homme utilise d'abord ses sens et l'interprétation qu'il en fait pour vivre en harmonie avec les choses. Pour l'instant, pas de réponses. Si l'option 1, avec les nombreux progrès scientifiques que l'on connait mais qui vont malheureusement de pair avec un éloignement de la nature et son exploitation sans pitié que l'on connait aussi, est largement dominante, il ne ferait pas de mal de rééquilibrer un peu les choses en prenant en compte aussi l'option 2.
Beaucoup d'autres discussions sur divers sujets passionnants mais nous y reviendrons peut-être plus tard: la place de l'individu dans nos sociétés, l'identité d'un peuple doit-elle nécessairement impliquer le besoin de former une nation autour de cette identité ou peut-elle exister autrement (ex: Québec, pays basque,...)

Toujours est-il que partager un bout de voyage dans ces circonstances a été un vrai bonheur. Expérience à renouveler dès que possible.


Le voyage reprend maintenant son cours en Argentine, à Esquel, avec l'envie de revenir descendre cette route australe à vélo pour prendre plus le temps de s'imprégner de cette région splendide.

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