17 mars 2010

Retour à la préhistoire – 28/02/2010

Sur ce dernier mois, les nuits d'hôtel se comptent sur les doigts d'une main. La tente est devenue notre nouvelle maison et le symbole de notre itinérance. Sans attaches fixes -on peut la monter à peu près partout, du terrain vague au camping municipal en passant par le bivouac en pleine montagne – elle s'attache pourtant à tout ce qui est bon à prendre – cailloux, arbres, racines. Pour vivre et tenir debout, elle se contente de l'essentiel, 6 sardines et 4 bouts de ficelles.

L'analogie entre la tente et l'itinérance est facile tellement elle symbolise notre mode de vie. La tente est à l'itinérant ce que l'appareil photo est au photographe: son arme la plus redoutable. Sans elle, rien n'est possible, avec elle, le monde de l'itinérance s'ouvre à nous. Un monde fait de simplicité, de débrouillardise ou d'opportunisme.
Si l'on n'est pas encore entré dans la survie et par opposition à nos sociétés modernes, on a presque l'impression d'être revenu à la préhistoire. Petit aperçu:


La première impression, c'est celle de revenir petit à petit à l'essentiel, de redécouvrir le prix des choses.
Un litre d'eau bouillante, c'est souvent 20 min de marche, 30 min de recherche de bois et 25 min de réchaud à bois. Pour faire cuire les pâtes, il faut attendre encore 20 min. Manger chaud, ça prend du temps. Bien manger, ça prend du poids et du volume. On comprend mieux pourquoi l'omelette oignons-ail-fromage-saucisse faite à El Chalten après 6 jours de rando me fait encore saliver aujourd'hui.
On apprend à vivre de peu. On découvre que peu, c'est en fait beaucoup. Beaucoup de temps, beaucoup d'organisation, beaucoup d'abnégation mais aussi beaucoup de plaisir. Parce qu'on est libre d'aller où l'on veut, de prendre le temps que l'on veut, d'essayer les choses que l'on veut. Parce que si l'on peut s'amuser avec des choses compliquées -un PC, une gazinière, un van, des skis- il est encore plus facile de s'amuser avec des choses simples, voir avec rien – un pet qui pue, de l'eau qui boue en 10 min et pas 20, du stop, du bois sec...


La deuxième impression, c'est celle d'avoir plus de responsabilités ici. Ne pas trouver de bois, oublier son duvet ou renverser les pâtes cuites sur le sol est bien plus dramatique que de ne pas trouver de mac do à moins de 300 m, que d'oublier sa cravate pour aller bosser ou que de renverser son café sur ses papiers. On fait certes des choses basiques, mais on les fait bien. Pour les choses compliquées, on attendra encore un peu... On a le sentiment de prendre les choses en main, d'être maître de nos choix et actions quel qu'en soient les résultats. Le fait de revenir ainsi aux fondamentaux fait du bien en permettant de réaliser ce qui est important et ce qui ne l'est pas. On se désintoxique de l'inutile, du superficiel et de la malfaçon pour ce concentrer sur l'utile, l'important et le bien-fait. Vu comme ca, ca ne peut pas faire de mal!

La troisième impression, c'est que l'homme est, par nature, fait pour la division des tâches. Rapidement et inconsciemment, nous nous sommes définis des rôles très précis. Pilou au bois et au feu. Hugo à la cuisine. Le montage-démontage de tente à deux mais le roulage et pliage à Hugo... Un partage informel mais très précis s'est installé petit à petit, avec chacun nos spécialités. Si bien que nous serions certainement incapables d'inverser les rôles!


La 4ème impression, c'est celle de retrouver le lien fort qui existe entre l'homme et la nature. Lien que la plupart des gens ont aujourd'hui perdu tant nos sociétés « modernes » ne voient la nature que comme un immense champ de ressources que l'ont peut exploiter à sa guise, dans le seul but d'assouvir son désir de domination, de supériorité et de toujours plus. L'homme aujourd'hui compense la perte de ce lien fondamental avec la nature en la dominant, en faisant passer son intelligence, sa technologie et sa science avant les sens, la perception et l'environnement. Le besoin de satisfaire toujours plus de désir pour se sentir heureux, et quel qu'en soit le prix, l'éloigne au final de l'essentiel et de ce lien fondamental avec la nature.
Étant issus de cette société, cette philosophie est bien ancrée dans nos têtes et il est bon de s'en éloigner un peu et de voir les choses autrement, de voir ce qui est au final important et ce qui ne l'est pas.
Le voyage nous permet de remettre l'environnement à sa juste place. Observer tout ces merveilleux lacs, glaciers ou montagnes et vivre autour nous rappelle combien cet équilibre est vital pour l'homme et combien il est fragile. Le Campo de Hielo Sur que nous avons vu est la source de tous les lacs, fleuves et rivières de Patagonie. C'est lui qui distribue la vie partout où nous sommes allés.
La Patagonie est une région où les habitants sont très attachés à leurs terres et à sa protection. Ils ont appris à vivre avec la nature et à la respecter. Les nombreux séismes, irruptions volcaniques ou tempêtes rappellent à quel point ils en sont dépendants. La nature règne ici en maître et la population s'y est parfaitement adaptée. Durant la colonisation rapide du 18eme, les peuples indigènes ont été éliminés et l'environnement largement exploité (pétrole, élevage...). Ils savent les dégâts que l'homme peut causer. Les nombreux parcs nationaux ou les campagnes de sensibilisation et de protestation (patagonia sin represas par exemple), très présentes au Chili et qui rejettent les projets de grands barragess hydroélectrique) très suivies témoignent du profond respect des terres et des efforts entrepris pour sa protection.
Il faudrait que je prenne du temps pour m'y intéresser et détailler mes propos qui ne découlent que de mes observations et mon ressentiment.




La 5ème impression, c'est celle que 6 mois de vie « préhistorique » vont modifier notre vision des choses et vont nous permettre d'aborder le retour à la civilisation et à la vie adulte avec l'esprit clair et limpide. Et quand nous aurons bientôt à faire des choix importants sur nos carrières, nos modes de vie ou nos engagements, cette expérience nous aidera à relativiser nos choix, à les placer dans une grille d'interprétation plus large, à savoir où sont les choses importantes...

voilà pour les 5 impressions de ce mini retour à la préhistoire. Bien sûr, nous sommes loin d'être des hommes préhistoriques puisque la plupart du temps nous payons pour manger, dormir et voyager. Le terme est volontairement exagéré et ne se comprend que placé en opposition à nos modes de vie d'avant.

Nous avons encore beaucoup de choses à apprendre et découvrir pendant les 5 mois qu'il nous reste de cette vie d'itinérance.
Petit à petit, nous nous familiarisons avec nos désirs, ce que leurs réalisations impliquent pour nous et l'environnement qui nous entoure et nous apprenons à en devenir maîtres.

Pilou

1 commentaire:

Unknown a dit…

Bon, c'est cool la philo, mais c'est pas l'essentiel! C'etait ou la petite session alpi à la one again la?