5 juil. 2010

Réflexions en vrac sur le départ

Écrit depuis l’aéroport de La Paz le 12 Juin 2010
L’impression brutale qu’une page se tourne. Entrer dans l’aéroport procure un choc terrible. Mon cerveau retrouve violemment des repères qu’il avait perdus. Enfin, juste oubliés. L’aéroport de La Paz est peut-être l’endroit le plus moderne de Bolivie – ou du moins pour moi – et je vois des belles boutiques avec des belles vitrines, un beau carrelage tout propre, des gens en costard avec une petite mallette en cuir, des voyageurs pressés, stressés qui regardent leurs chaussures en marchant d’un air préoccupé,… Tout cela symbolise l’autre monde, celui que j’ai quitté il y a 5 mois et demi.
Je l’ai quitté parce que j’étais perdu dedans, sans repères pour savoir dans quelle direction avancer, et même pire, avec des repères qui m’étaient imposés par mes études, ma famille, mes amis, la société.... J’étais comme enfermé dans un tunnel qui ne va que dans une seule direction, pris dans un engrenage qui ne me convenait pas complètement mais surtout que je n’avais pas choisi.


Aujourd’hui, je remets le pied dans ce monde. Un pied certainement encore moins sûr puisque il n’a plus – ou moins- tout ces repères d’avant, puisqu’ il doit maintenant avancer encore plus dans l’inconnu, puisqu’il voit les choses autrement. Il a changé. Changé car plus ouvert – riche de nouvelles expériences et rencontres, j’ai découvert de nouveaux repères qu’il faut maintenant explorer et tester. Changé car plus confiant – je sais que je suis le décideur de mon avenir, que le tunnel dans lequel j’étais embarqué a plein de portes de sortie. Il suffit de savoir ce que l’on cherche et d’avoir de la volonté. Sortir du tunnel nous aveugle car cela nous enlève tous nos repères habituels qui nous disent où regarder mais nous rendent en même temps confiants et sereins, sûrs, que l’on arrivera à chercher, explorer puis choisir sa voie. Bref, changé et grandi.

Sans encore de recul sur ce voyage, je le vois comme une première expérience initiatique très forte qui en appelle évidemment d’autres. Le voyage est une drogue. Sauf qu’elle ne détruit pas mais construit. Plutôt cool. Le premier voyage est peut être celui où l’on a le plus de rêves fous et d’ambition démesurée et, au final, celui où, par inexpérience ou naïveté, l’on en concrétise le moins. Trop entrainé par la magie du voyage, il est dur d’avoir du recul, de s’imposer des contraintes, de donner une direction et de s’y tenir. Les prochains voyages
seront certainement plus structurés.

Aussi, je termine ce voyage avec des demi-regrets. Regrets de ne pas avoir fait jusqu’au bout tout ce que j’ambitionnais ou projetais, regrets de ne pas avoir su profiter pleinement de tout les moments magiques du voyage. Mais demi-regrets car ils témoignent juste d’une envie plus forte de repartir dans d’autres circonstances, car ils sont constructifs pour les prochaines expériences. Demi-regrets car ils ne sont qu’une frustration de ne pas avoir pu tout faire et témoignent juste d’un appétit trop gros. Ils témoignent aussi d’un voyage tellement plein d’aventures, de surprises, d’émerveillements qu’il ne pouvait laisser place à de quelconques prévisions ou espérances. Le voyage est tellement plein d’inattendu qu’il ne fallait surtout rien n’en attendre. Notre erreur était peut- être la. Avoir voulu cumuler projet bien étudié et calibré – type interview, écriture, rencontres - tout en cherchant à enlever toutes prises que l’on pouvait avoir sur le voyage, à se laisser porter au maximum. Avoir voulu mettre une structure, une forme ou un habillage là où il ne fallait surtout rien mettre qui puisse polluer l’authenticité de l’aventure.

Aucun sentiment d’inachevé. Au contraire, le sentiment d’avoir vécu quelque chose de tellement fort que le vide qu’il laisse derrière m’oblige à m’y accrocher avec un peu de nostalgie. Il faut maintenant digérer cette expérience, prendre petit à petit du recul pour continuer à en retirer le meilleur et l’utiliser pour se projeter vers de nouvelles aventures. Des aventures qui pourront prendre de multiples formes. Et un nouveau voyage n’est sans doute que la dernière de ces formes. Il y a de nombreuses autres choses à vivre avant de repartir avec la tête vidée des voyages passées et prête à être remplie par ceux à venir. L’envie de se poser, de mettre en application, ou du moins d’approfondir, toutes les réflexions qu’a amené ce voyage, construire sa nouvelle vie dans ce monde que je vois maintenant autrement. Tracer sa route, faire son trou, creuser son tunnel. Mais cette fois ci en sachant ce qu'il y a au bout.

L’envie d’écrire sur ce voyage est forte. Écrire pour ne pas oublier, pour prendre du recul et retirer un maximum de cette expérience, pour digérer et tourner la page, pour témoigner. Une des frustrations de ce voyage est de ne pas avoir réussi à la fois à vivre pleinement nos aventures et à prendre du recul dessus en écrivant et en approfondissant les débuts de réflexion, les impressions ou les ambiances que nos rencontres et expériences font naitre. Je crois que les deux sont presque incompatibles. Le voyage est trop ancré dans le quotidien. En itinérance, on bouge, découvre, rencontre sans cesse. C’est déjà presque trop d’un coup.
L’avant et l’après voyage deviennent dès lors aussi importants que le voyage en lui-même. Ils doivent permettre de digérer ou d‘intégrer tout ce que le voyage nous apporte. Sans cela, on perd une bonne partie de sa magie. Le voyage reste inachevé. Ce n’est donc pas pendant mais après que le voyage prend tout son sens.

Commence donc aujourd’hui une 2ème phase du voyage. Celle de l’approfondissement. Il s’agit de lui donner une structure pour que l’on n’oublie pas tout ce que l’on a vécu mais au contraire pour qu’on l’exploite au maximum.

La grande leçon de ce voyage, c’est qu’il faut faire les choses l’une après l’autre. Le voyageur ne peut être boulimique et vouloir tout faire en même temps. Même en étant des plus gourmands, impossible de digérer avant d’avaler. D’abord il faut voyager, comme une grande inspiration. Et ensuite, on peut se retourner, expirer. Et après, on recommence, pour ne pas étouffer.

Pilou

1 commentaire:

Sté a dit…

Il est très joli ce post mon p'ti Pilou !